mardi 29 avril 2014
L'argument par la beauté
Matériel supplémentaire
Cet argument existe bel et bien mais me semble illogique pour au moins deux raisons: (a) la beauté est dans l'oeil de celui qui regarde, et une expérience esthétique n'a strictement rien d'universel; (b) la nature est loin d'être parfaite. Parlons donc de perfection aux enfants atteints de leucémie, aux gens atteints de dégénérescence maculaire, aux victimes de la maladie d'Alzheimer, à celles de tremblements de terre, ou à ces malheureuses chenilles qui doivent servir d'incubateurs vivants pour la gestation de larves de guêpes (pour lesquelles ce processus monstrueux est le seul moyen de se reproduire).
Le principe anthropique en est, je présume, une variante; cependant, je considère ce dernier comme un cas sévère de masturbation mentale, à mettre sur le même pied que le paradoxe de Zénon si on cherchait à l'appliquer réellement aux performances athlétiques. "L'univers est ainsi fait qu'il a permis à l'Homme d'y exister pour pouvoir l'observer, et si on en changeait quelques constantes de quelques décimales, il ne pourrait pas exister. Ergo, l'univers a été conçu de façon précise pour que l'Homme puisse y exister". Est-ce que le docteur Pangloss aurait pu mieux dire? «Il est démontré, disait-il, que les choses ne peuvent être autrement : car tout étant fait pour une fin, tout est nécessairement pour la meilleure fin. Remarquez bien que les nez ont été faits pour porter des lunettes ; aussi avons-nous des lunettes. Les jambes sont visiblement instituées pour être chaussées, et nous avons des chausses. Les pierres ont été formées pour être taillées et pour en faire des châteaux ; aussi monseigneur a un très beau château : le plus grand baron de la province doit être le mieux logé ; et les cochons étant faits pour être mangés, nous mangeons du porc toute l’année. Par conséquent, ceux qui ont avancé que tout est bien ont dit une sottise : il fallait dire que tout est au mieux. » (Voltaire, Candide).
Certes, si les constantes universelles étaient changées l'univers tel que nous le connaissons ne saurait exister, et nous ne saurions être là pour en parler. Ainsi, si pi n'égalait pas 3,1415926 et des poussières mais 3 (comme le dit le premier livre des rois, 7:23) la relation entre le diamètre d'un cercle et sa circonférence serait différent de ce que nous observons, ce qui n'est pas possible dans notre univers. Et alors? L'univers serait différent. Nous ne serions pas là pour en parler, mais qui dit que d'autres formes de vie, d'autres formes d'intelligences ne pourraient pas y jouer un rôle plus ou moins équivalent au nôtre? Cessons de toujours tout ramener à l'être humain: l'univers n'est pas tel qu'il est pour que nous puissions y exister; nous existons parce que l'univers est tel qu'il est.
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