jeudi 28 août 2014

Reproduction









Matériel supplémentaire

Le principe de fitness ou de valeur sélective réfère à l'influence qu'a la combinaison des allèles trouvés dans un génome sur la capacité de l'individu de se reproduire pour laisser des descendants féconds. C'est donc une mesure de l'efficacité d'un génome à se reproduire. Des allèles qui favorisent la survie de l'individu ainsi que sa capacité d'attirer l'intérêt des membres du sexe opposé lui donnent une plus grande chance de se reproduire que des allèles le rendant faible, malade, laid et infréquentable en société. Le fitness du possesseur de tels "bons" allèles sera donc normalement plus élevé.

Un des soucis qu'éprouvent de nombreux citoyens (activistes environnementaux ou non) face à de nouvelles lignées de plantes ou d'animaux comme, par exemple, des saumons transgéniques élevées en pisciculture est que certains de ces animaux puissent s'échapper. Ils pourraient alors "contaminer" la population sauvage avec leurs gènes manipulés, et si les poissons d'élevage ne sont pas adaptés à la vie sauvage, la population globale des saumons pourrait en souffrir. Je peux pratiquement garantir qu'une telle évasion va en effet se produire, car aucune mesure de protection, aucun système d'isolation ne peut être à ce point fiable et résistant à la négligence, aux accidents ou à la malveillance qu'il empêche systématiquement qu'un poisson de ferme ne se retrouve un jour dans la nature, tout frétillant de liberté retrouvée. Oui, cela va se produire; mais avant de tous nous sauver vers les collines en criant "apocalypse de zombies saumonés", considérons ce qui arrivera avec notre poisson échappé d'Alcatraz.

Tout d'abord, si le poisson en question est mal adapté à la vie en milieu naturelle, il va mourir. Les poissons morts ont un fitness de zéro, alors ses gènes ne risquent pas d'aller bien loin. Problème résolu. Si le brave réussit quand même à ne pas se faire bouffer par un prédateur, à remonter une rivière à saumon (et encore là on peut se demander laquelle il choisirait, étant né dans une pisciculture et ne pouvant pas retrouver son chemin) et à finalement donner naissance à une nouvelle génération, ses petits seront à leur tour testés par la sélection naturelle. Les gènes hérités de leur parent évadé réduiront-ils leur propre fitness? Si c'est le cas, leurs gènes en feront de mauvais compétiteurs face à leurs cousins entièrement sauvages et leurs allèles inappropriés ne se propageront pas. La sélection naturelle est très efficace pour identifier et éliminer les allèles qui ne contribuent pas au succès reproducteur!

Oui, mais si au contraire le génome des poissons d'élevage leur donne un fitness accru dans la nature? Ce n'est pas le cas en ce moment, mais cela pourrait arriver: après tout, il semblerait y avoir plus d'avenir dans l'élevage de saumons costauds et vigoureux que dans celui de poissons chétifs et tout le temps malades. Supersaumon s'étant évadé, le voilà capables de survivre dans la nature et de propager ses "bons" allèles dans la population sauvage; l'espèce en entier devient donc plus forte. Quel est le problème, déjà?

Nous aurions un réel problème si, d'aventure, l'espèce humaine pêchait tellement de saumon sauvage que la population ne compte plus que quelques individus et que ceux-ci se voient soudain envahis par une horde de poissons d'élevage échappés. La fréquence des "mauvais" allèles serait soudain plus élevée que celle des "bons", et il est possible que la sélection naturelle ne parvienne pas à faire son office avant que les meilleurs allèles ne disparaissent à cause de la dérive génétique. Mais l'être humain ne serait jamais assez stupide pour pêcher une espèce sauvage jusqu'à ce qu'elle soit à deux doigts de l'extinction, n'est-ce pas?