vendredi 14 mars 2014

Abstinence







Matériel supplémentaire

Les rotifères bdelloïdes sont des invertébrés qui vivent dans l'eau douce ou les sols humides; ils se promènent en nageant ou en rampant à la manière des sangsues, en utilisant leur tête et leur pied en alternance comme point d'appui. "Bdelloïde" veut d'ailleurs dire "ressemblant à une sangsue". Leur particularité la plus spectaculaire est que cette classe de rotifères se reproduit de façon asexuée depuis des millions d'années; les mâles n'y existent pas et les femelles s'y reproduisent de façon parthénogénétique (les oeufs ne sont pas le produit d'une méiose). L'analyse génétique des différentes "espèces" (360 espèces de bdelloïdes environ) suggère que leur dernier ancêtre commun vivait il y a grosso modo 80 millions d'années.

Pourquoi en faire tout un pastis? Après tout, il existe de nombreuses créatures qui se reproduisent de façon asexuée. Les bactéries le font tout le temps; les levures peuvent alterner entre reproduction asexuée et sexuée; et même chez les animaux, en parallèle avec certaines naissances "virginales" chez le dindon, le dragon du komodo, le requin ou l'écrevisse, on connaît des lignées dépourvues de mâles chez diverses crevettes du genre Artemia et chez plusieurs lézards comme Cnemidophorus neomexicanus. Mais voilà: toutes ces espèces animales utilisaient la reproduction sexuée avant de devenir parthénogénétiques, et pour autant qu'on puisse en juger, les lignées animales parthénogénétiques ne durent jamais longtemps. Après quelques millions d'années elles s'éteignent, fort probablement parce que l'absence de variété allélique découlant d'une reproduction asexuée réduit leur capacité à faire face aux bouleversements environnementaux. On peut aussi supposer que le cliquet de Müller, en absence de méiose, amplifie leur vulnérabilité génétique. Les bdelloïdes font donc figure d'exception, avec leur capacité à résister à des millions d'années sans reproduction sexuée.

Une explication à cette anomalie peut être la suivante: il semble qu'au sortir d'hibernation, les bdelloïdes en croissance qui réparent leurs cellules endommagées en profitent pour incorporer tout ADN qui passe à leur portée, quand bien même ce serait l'ADN présent dans leurs aliments. Ce transfert latéral massif permettrait d'enrichir leur matériel génétique.

De façon très intéressante, l'absence de méiose fait qu'il n'y a pas de recombinaison méiotique chez les bdelloïdes; chaque paire de chromosomes voit donc les deux copies devenir progressivement de plus en plus différentes avec le temps, en accumulant indépendamment des mutations qui ne sont pas partagées (1).

Les anneaux de pureté, eux, (ou bagues de virginité) sont issus d'un mouvement religieux conservateur américain des années 1990, un mouvement faisant la promotion de l'abstinence comme moyen de contraception. Le port d'un tel anneau indiquait aux partenaires potentiels qu'on avait l'intention de rester vierge jusqu'au mariage.



(1) Dawkins, R. The ancestor's tale, Mariner Books, New York, 2004, page 429.

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