mercredi 1 juillet 2015
De l'argent en circulation
Matériel supplémentaire
La quête de l'éternelle jeunesse, ou à tout le moins celle d'une décrépitude ralentie, a stimulé plus d'un découvreur réel ou imaginaire -qu'il s'agisse d'un Ponce de León, d'un docteur Fu Manchu ou d'un Dr. Obispo. Que la solution soit une pharmacie pleine de crèmes anti-rides, des suppléments alimentaires macrobiotiques, des smoothies aux épinards et au curcuma, des jeux de stimulation cérébrale ou du jogging, nous sommes prêts à essayer bien des choses pour prolonger notre séjour ici-bas.
En laboratoire, nous cherchons depuis longtemps à comprendre les mécanismes du vieillissement cellulaire, celui des tissus et celui des individus. Comment se fait-il que certaines espèces vivent beaucoup plus longtemps que d'autres qui leur sont pourtant très apparentées? Comment certaines personnes atteignent-elles un âge canonique alors que d'autres se voient déjà cacochymes avant l'âge de la retraite? Comment peut-on jouer avec les mécanismes connus de sénescence cellulaire pour améliorer la santé et la longévité des individus? Toutes ces questions, fascinantes en elles-mêmes, ont au-delà de leur intérêt scientifique un aspect pratique: hé! je ne m'en cache pas... moi aussi j'aimerais vivre plus longtemps!
Des travaux récents utilisant la technique de la parabiose ont mené à de très intéressantes obsevrations dans le domaine du vieillissement. Cette technique, qui met en contact direct la circulation sanguine de deux animaux, permet de voir les effets qu'auront le sang de l'un sur la santé de l'autre et vice-versa. Plus particulièrement, dans le cas des expériences ici mentionnées, on a utilisé une parabiose hétérochrone qui connecte une jeune souris à une souris âgée. (Bien entendu, les deux souris doivent être immunologiquement compatibles, quel que soit leur âge!)
Le but de la manoeuvre est de déterminer d'une part s'il existe dans le sang des vieilles souris des facteurs qui provoquent le vieillissement des tissus, un peu comme le ferait une accumulation de déchets avec le temps. Si c'est le cas, on s'attendrait à ce que ces hypothétiques facteurs délétères aient un effet négatif sur la jeune souris soudée à la plus vieille. D'autre part, il se pourrait que le sang d'une jeune souris contienne des facteurs qui aident à maintenir son aspect juvénile, et dans ce cas ces facteurs pourraient rajeunir dans une certaine mesure les tissus de la vieille souris à laquelle elle est appariée.
Les résultats ont été remarquables, et ce n'est rien de le dire. Il y a effectivement, dans le sang des souris jeunes, des facteurs capables de renverser certaines caractéristiques associées à l'âge. En outre, on n'a pas observé d'effets particulièrement nocifs chez la jeune souris exposée au sang de sa vieille congénère parabiote. Parmi les effets positifs relevés chez la vieille souris exposée au sang juvéniule, notons un meilleur renouvellement des cellules-souche, une baisse de l'hypertrophie cardiaque associée à l'âge; de plus grandes capacités cognitives; une altération de la vascularisation cérébrale menant à une meilleure neurogenèse, une baisse de la dysfonction musculaire associée à l'âge... bref, rien que du bon, ma foi!
L'exploration du phénomène a mené à l'identification d'un de ses acteurs probables: le facteur GDF11, une protéine circulante dont le niveau baisse normalement avec l'âge. Le rétablissement d'une quantité juvénile de GDF11 chez des souris âgées renverse leur hypertrophie cardiaque et augmente la neurogenèse dans leur cerveau.
Deux articles scientifiques sur le sujet se sont vus qualifiés de "percée de l'année" en biologie cellulaire par le magazine Science:
Sinha et al. (2014) Restoring Systemic GDF11 Levels Reverses Age-Related Dysfunction in Mouse Skeletal Muscle. Science 344, 649-652
Katsimpardi et al. (2014) Vascular and Neurogenic Rejuvenation of the Aging Mouse Brain by Young Systemic Factors. Science 344, 630-634
Assez sinistrement, le potentiel de réjuvénation des vieux individus par l'utilisation des fluides corporels des jeunes est le concept sur lequel se base de roman de scence-fiction dystopique Jack Barron et l'éternité, écrit par le visionnaire Norman Spinrad en 1969. Dans ce récit cynique, de vieux millionaires peuvent prolonger leur existence grâce à un extrait de "glandes" non-spécifiées provenant du corps d'enfants assassinés. (Le haut gradé du Docteur Folamour n'a pas à s'en faire pour ses propres fluides corporels... Il est trop vieux!)
Avec un peu de veine nous n'en arriverons pas là, mais j'aimerais bien tâter un peu d'une bonne dose de GDF11 recombinant!
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