mardi 15 avril 2014

Noé le fossoyeur









Matériel supplémentaire

Pour qu'une hypothèse soit scientifiquement valide, elle doit répondre à certains critères. L'un d'entre eux est la réfutabilité, ou la possibilité qu''on démontre qu'elle soit fausse. Si une hypothèse impossible à tester ne peut pas être réfutée, cela ne la rend pas automatiquement vraie: cela la rendrait plutôt inutile. Alors la prochaine fois que vous ne pourrez pas prouver à l'oncle Arthur (qui a vu ça sur l'internet) que le président Kennedy a été assassiné suite à un complot entre Martiens communistes et l'association des lesbiennes nazies mais que chaque information le concernant est systématiquement faussée par des agents secrets invisibles, ne vous cassez pas la tête: le poids de la preuve est sur ses épaules à lui, pas sur les vôtres.

Bien entendu, dans le cas d'une hypothèse réfutable qu'on ne parvient pas à réfuter, ce n'est pas la même chose: ici, le succès répété de l'hypothèse face à ces épreuves donne plutôt confiance dans sa validité. Ainsi,on est maintenant assez convaincu de la pertinence de la théories des germes, qui explique comment les maladies infectieuses sont provoquées par des agents microscopiques (mais qu'on peut détecter et visualiser au microscope) plutôt que par un vague "déséquilibre des humeurs" ou par des esprits malveillants.

Une citation fameuse sur la réfutabilité de la théorie de l'évolution est attribuée au célèbre biologiste britannique J.B.S.Haldane. S'étant fait demander ce qui pourrait le convaincre que cette théorie était incorrecte, Haldane aurait répondu "des lapins dans la Précambrien". Comme nous l'avons mentionné auparavant, les ères géologiques de notre planète ont laissé des couches successives de roches sédimentaires sous nos pieds; ces strates, en les visitant une par une, nous permettent de nous faire une idée de l'évolution des formes de vie sur notre planète. Une prévision très testable de la théorie de l'évolution est qu'il ne devrait pas se trouver de fossiles de certaines créatures avant la période correspondant à leur apparition: on ne devrait pas, par exemple, trouver quelque vertébré que ce soit avant l'apparition des premiers vertébrés; quelque reptile que ce soit avant l'apparition des premiers reptiles, et ainsi de suite. Pendant le Précambrien, il y a plus de 541 000 000 années, on en était encore à des millions d'années de l'apparition des premiers poissons, et encore plus loin des premiers amphibiens, et encore plus loin des premiers reptiles, et encore plus loin des premiers synapsides, et encore plus loin des premiers mammifères, et encore plus loin des premiers lapins. De découvrir des fossiles de lapin au milieu de la faune de l'Édiacarien serait un excellent argument contre la théorie de l'évolution.

Evidemment,il n'y a pas trace de lapins dans les roches du Précambrien. Cela pose un problème aux créationnistes bibliques, car comment expliquer que les fossiles se soient trouvés distribués en accord avec la théorie de l'évolution si celle-ci est incorrecte? (Notez que c'est un peu mettre la charrue avant les boeufs, puisque cette théorie est justement née d'observations comme celle de la distribution des fossiles en strates correspondant à des ères géologiques distinctes). Diverses hypothèses existent. L'une d'entre elle est qu'un esprit malin a volontairement distribué les fossiles pour confondre une humanité crédule (hypothèse intestable, et donc inutile). Une autre est que les dinosaures, animaux volumineux et lents à se mouvoir, auraient eu plus de mal à fuir devant les eaux déchaînées du Déluge et se seraient noyés les premiers, se ramassant au fond avant les autres créatures. Cette hypothèse, elle, a au moins la vertu d'être réfutable alors rendons-lui cette grâce... avant de la réfuter. D'abord, les dinosaures ne se retrouvent pas parmi les strates géologiques les plus profondes, et il s'en faut de beaucoup. Des centaines de millions d'années séparent le Précambrien des premiers dinosaures; sous ces grands reptiles se trouvent donc, couche après couche, les restes de leurs prédécesseurs évolutifs. Ensuite, même en faisant abstraction de cela, considérons l'argument lui-même: si c'est vraiment la capacité de fuir le Déluge qui fait la différence, on s'attendrait à retrouver les animaux lents au fond; or, non seulement de nombreux dinosaures étaient de rapides prédateurs, mais on ne retrouve pas de fossiles de paresseux parmi ces soi-disant animaux lents. Les paresseux se retrouvent là où Darwin les attendrait: parmi les autres mammifères, rapides et lents. (Et d'ailleurs, comment expliquer les fossiles des ancêtres des baleines d'après cette hypothèse? Je ne crois pas qu'un déluge ait pu les affecter outre mesure).

Aucun commentaire:

Publier un commentaire