lundi 24 mars 2014

Rejet









Matériel supplémentaire

La Bible, le premier livre à être sorti des presses à caractères mobiles de Gutenberg, est une anthologie consistant de textes écrits au cours de nombreux siècles; grosso modo depuis l'exil à Babylone, six siècles avant notre ère, à quelque part comme la fin du premier siècle. En outre, les plus anciens parmi ces textes étaient fort probablement basés sur une longue tradition orale dont l'origine remonte à la plus haute antiquité.

Plusieurs religions possède un ouvrage de référence supposé avoir été donné, dicté, ou au moins inspiré par une divinité ou ses représentants. Naturellement, en termes concrets, cela veut dire qu'à un moment donné quelqu'un doit décider de ce qui constitue réellement un texte d'origine divine et ce qui est le fruit du travail d'un mortel oeuvrant peut-être avec beaucoup d'enthousiasme et de foi, mais sans sanction divine officielle. Dans les cas des Mormons, le moment où le livre sacré devient disponible sous la forme que nous lui connaissons aujourd'hui est assez facile à déterminer: le Livre de Mormon a d'abord été publié en 1830 par Joseph Smith et consiste en une oeuvre originale plutôt qu'une collection de textes plus anciens. Pour les trois grandes religions abrahamiques, cependant, ce n'est pas aussi clairement tranché. La compilation des livres sacrés du judaïsme, de la chrétienté puis de l'Islam a fait l'objet de siècles d'études qui encore aujourd'hui peuvent être discutées avec véhémence.

Le Coran ("la récitation", en arabe), pour commencer, regroupe les révélations faites à Mahomet. Ces révélations auraient continué tout au long de la vie du prophète, et leur compilation sous forme écrite aurait commencé soit peu avant ou pendant le règne du premier calife (Abu Bakr, en 632). Ali, le gendre de Mahomet, aurait selon une certaine tradition été chargé par le prophète de commencer cette compilation peu avant sa mort. D'autres soutiennent que la compilation n'aurait commencé qu'après. On s'entend toutefois de façon générale pour dire que la forme canonique du Coran a été adoptée sous le règne d'Othman (653-656) et qu'à cette époque, toutes les copies personnelles su Coran ont été brûlées. J'imagine que suite à la politique menée par Othman, toutes les versions pouvant potentiellement contenir des erreurs devaient être retirées de la circulation. On comprend tout de même que l'idée ici n'était pas d'assembler des chapitres disparates mais de compiler les sourates laissées par Mahomet.

La composition de la Bible des Chrétiens, elle, a une histoire plus longue. Les premiers adhérents de la nouvelle religion, dans le bassin méditérranéen, avaient accès à différentes textes qu'ils devaient lire et se transmettre: la Bible hébraïque ou Tanakh, naturellement, puisque la chrétienté émanait du judaïsme; mais aussi des descriptions plus récentes de la vie de Jésus, des actes de ses disciples, des lettres échangées par ceux-ci, et d'autres textes encourageant la communauté naissante à propager son message.

La Bible distribuée aujourd'hui se divise en deux parties. L'Ancien Testament contient des textes parlant des temps précédant la naissance de Jésus, alors que le Nouveau testament décrit sa vie et le fondement de la nouvelle religion. L'Ancien Testament inclut le Tanakh, mais aussi des textes qui ne se retrouve pas dans la Bible hébraïque: ainsi, on y trouvera (entre autres) les livres de Tobit, de Judith, de la Sagesse, des Maccabées; ils sont connus comme les livres deutérocanoniques. Quant à la composition du Nouveau testament, elle ne pouvait pas reposer sur la seule tradition, puisque les textes considérés étaient très récents (et même presque contemporains). Des description de la vie de Jésus comme l'évangile de Jean, l'évangile de Matthieu, celle de Luc ou de Marc nous sont familières, mais à l'époque on pouvait également tomber sur l'évangile de Pierre ou sur divers autres textes décrivant (par exemple) l'enfance d'un jeune Jésus changeant des pierres en oiseaux. Que choisir dans tout ça? Qu'est-ce qui, aux yeux des premiers chrétiens, était d'inspiration divine et qu'est-ce qui était pure création littéraire? Deux siècles de discussions ecclésiastiques se passèrent avant qu'on s'entende sur un canon officiel.

Il est possible que le format qui nous est familier aujourd'hui ait prit forme à Hippo Regius aussi tôt qu'en 393, mais les actes de ce synode nous sont perdus. On sait par contre qu'un résumé de ces actes a été lu et approuvé au concile de Carthage de 397. Le canon biblique devait cependant encore connaître certaines variations au cours des siècles; encore aujourd'hui, ce ne sont pas toutes les branches de la chrétienté qui s'entendent pour dire ce qui est canonique et ce qui est apocryphe.

Le réviseur #3 mentionné dans le dessin ci-haut,lui, relève du processus d'évaluation des travaux scientifiques; un système qui est dit d'évaluation par les pairs. Succinctement, un travail scientifique, pour se voir accorder la moindre valeur, doit être publié dans un journal à comité de lecture. Pas simplement dans un pamphlet publié à frais d'auteur, pas dans un magazine populaire, pas dans un livre. Le journal à comité de lecture, sans garantir que le travail décrit ne sera jamais remis en cause, nous inspire une plus grande confiance parce que tout article qui y est publié et qui décrit des travaux de recherche doit avoir été d'abord lu et sévèrement critiqué par deux ou trois spécialistes du domaine. Leur rôle est d'analyser sans complaisance la démarche expérimentale, les résultats et les interprétations qu'on en fait, dans le but avoué de rejeter l'article si l'un de ces aspects présente des problèmes. Bon, ne soyons pas trop vache: si des problèmes mineurs sont relevés, on donne la chance aux auteurs de l'article de le modifier (souvent en faisant quelques expériences supplémentaires). De cette façon, on s'assure que tout travail scientifique décrit dans le journal est passé à travers un rigoureux filtre d'expertise. Il a donc plus de chances d'être fiable que ce qu'on retrouve sur un obscur site web vantant les mérites du jus de poisson frais comme remède contre le cancer.

Les réviseurs formant le comité de pairs agissent de façon indépendante et anonyme, et leurs opinions ne convergent pas toujours à 100%. En cas de désaccord, le rédacteur du journal peut trancher dans un sens ou dans l'autre; la plupart du temps, il rejettera l'article même s'il n'y a qu'un réviseur sur trois qui le recommande. Ce réviseur, le "réviseur #3", a ainsi acquis une certaine notoriété dans la communauté scientifique; on le voit comme un ogre qui ne veut jamais rien comprendre. Il a donné naissance à de nombreuses interprétations comiques.

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