mercredi 26 mars 2014

Étiquette









Matériel supplémentaire

Quand on salue quelqu'un en portant la main à hauteur du front, on imite le geste de retirer son chapeau. Il parait qu'on retirait son couvre-chef en signe de politesse parce qu'agir ainsi révèle notre tête en entier; une variante de l'explication (plus apocryphe) fait remonter le geste aux chevaliers qui relevaient la visière de leur casque pour montrer leur visage à leur adversaire en guise de respect. J'aime moins cette deuxième explication (bien qu'elle soit plus colorée) parce que les casques à visière il n'y en a pas eu tant que ça, et parce que des chevaliers il y en a eu encore moins. Alors qu'un chapeau, c'est quand même plus commun. Quoiqu'il en soit, le fait qu'on ne porte plus guère de galurin n'empêche pas le mouvement de persister, un peu de la même façon qu'un courant d'air froid fait hérisser les poils de nos bras même si les pauvres ne sont vraiment plus assez nombreux, depuis des millions d'années, pour apporter en se redressant une quelconque isolation thermique!

La poignée de main, autre geste faisant partie des moeurs, remonte à il y a si longtemps qu'il est bien difficile de dire quelle en est l'origine. Certains supposent que cette forme de salutation permet de montrer que notre main ne porte pas d'arme. Je suppose que c'est une explication qui se tient au point de vue symbolique, mais au point de vue pratique il me semble qu'une poignée de main double semblerait alors plus à propos. (Qui sait ce que le type d'en face cache derrière son dos s'il ne nous tend qu'une seule main? Ah! Le Judas!)

C'est un peu la même chose avec ce geste très ancien: trinquer. Le mot vient clairement de l'allemand trinken (boire) et désigne maintenant le fait de cogner deux verres l'un contre l'autre. La légende (sans référence, malheureusement) veut qu'en cognant deux verres bien remplis assez fort, on provoque l'échange de gouttes de liquide entre les deux verres. Ainsi, si l'un des buveurs a refilé subrepticement une coupe empoisonnée à son vis-à-vis, il court le risque de s'empoisonner lui aussi. C'est une jolie histoire, mais à la manière des histoires comme ça de Rudyard Kipling, elles expliquent une chose en suscitant encore plus de questions. D'abord, si le but est vraiment d'échanger le contenu de deux verres, il faut qu'ils soient sacrément pleins. Tellement pleins qu'on va certainement salir la nappe en les entrechoquant. En fait, les gens qui trinquent y vont généralement mollo pour ne pas faire de gâchis et ne pas péter la verrerie. Même plus: avec les verres de bière, on a plutôt tendance à trinquer avec le bas du verre (plus épais et plus solide) qu'avec le haut, mince et fragile - ce qui ne facilite pas l'échange des contenus, on en conviendra. (J'ai déjà vu deux amis trinquer très fort avec deux chopes de bière. Le seul mélange de boisson qui s'est fait a été sur le plancher, au milieu des éclats de chopes brisées)! Et puis, même si on réussissait à échanger quelques gouttes de liquide sans dégât, il faudrait que le poison servi à la victime soit particulièrement violent pour que l'empoisonneur en souffre suite à l'ingestion d'une si minime quantité. Surtout si c'est Mithridate, sixième du nom.

L'étiquette définit la façon correcte de se tenir en société, et s'adapte naturellement aux développement technologiques. Ainsi, je doute fort que qui que ce soit ait jamais décrété quelle était la bonne façon de se conduire dans les toilettes des hommes quand vient le temps de choisir un urinoir; et pourtant, tous les messieurs pourront vous dire quelle est la bonne façon de faire. On en vient généralement à codifier les bonnes manières (si vous recevez en même temps le pape et la reine d'Angleterre à souper, il y a une façon correcte de les placer; heureusement, il existe des guides des convenances et des bonnes manières pour venir à notre secours si jamais nous nous retrouvons dans une telle situation).

Éteindre son téléphone cellulaire (ou le mettre en mode vibration) est évidemment aussi un incontournable lors d'un souper galant ou pendant des funérailles. Peut-être qu'un jour, en signe de sympathie, on fera semblant de grelotter, imitant ainsi le téléphone qui vibre. Mais comme les cellulaires auront cessé d'exister depuis longtemps, on ne saura plus ce que veut dire ce geste, et peut-être croira-t-on qu'il s'agit d'une référence au temps où les hommes des cavernes se collaient les uns aux autres la nuit et où perdre un membre de la tribu voulait dire qu'on aurait moins chaud dans les nuits à venir.

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